N.B. Pour cette semaine, voici un autre extrait de mon essai que j’ai écrit en 2013. Le texte n’est pas récent, mais le propos est encore pertinent à mon sens.
De l’Amérique du sud aux ex-pays du bloc communiste, de l’Afrique à certains pays d’Asie, la dette accable les pays en développement. La mondialisation, qui a permis une plus grande fluidité des capitaux, a créé un problème : la possibilité de s’endetter, que l’on soit pauvre ou riche. Un problème que l’on doit affronter en faisant des choix douloureux : couper dans les investissements dans la santé, l’éducation, la croissance et le bien-être des populations. Les pays en développement, sous les pressions du FMI(Fonds monétaire international) , doivent faire des choix catastrophiques pour le bien-être de leur peuple. Actuellement, la mondialisation permet une plus grande circulation des capitaux, mais la circulation se fait dans le mauvais sens. Si l’on voulait réellement que les pays pauvres se développent, l’argent coulerait des pays riches vers les pays pauvres. Avec le remboursement des dettes, c’est le contraire qui se passe. Les pays pauvres remboursent leurs dettes aux institutions des pays riches. Il y a deux problèmes à soulever pour bien comprendre pourquoi les pauvres sont si endettés : ils empruntent trop; et les pays riches leur prêtent trop et avec des modalités de remboursement trop difficiles à supporter. À cet égard, il faut bien comprendre que l’on a toujours tendance à blâmer l’emprunteur, mais qu’en est-il du prêteur ? Il faut des prêteurs responsables, qui ne cherchent pas le profit « facile ». Ultimement, c’est toujours l’emprunteur qui est responsable et c’est toujours le peuple qui en paye les intérêts. Même si ces prêts ont été contractés par des régimes dictatoriaux corrompus. Lorsqu’une banque occidentale passait de l’argent à Mobutu au Zaïre, est-ce que c’était « moralement » acceptable qu’elle exige le remboursement de cette somme ?
Pour bien comprendre le problème des dettes dans le monde, il faut se poser la question suivante : est-ce qu’il y a trop d’emprunts ou trop de prêts ? Selon Stiglitz, les prêteurs sont à blâmer, car ils ont l’obligation de faire preuve de diligence, pour juger de la solvabilité de l’emprunteur. Toutefois, il ne faut pas excuser le comportement dépensier de certains régimes. Un fait demeure, peu importe à qui incombe la faute, il faut rembourser la dette.
Lors d’une crise de la dette, le FMI accourait pour une opération de sauvetage, mais ce n’était pas le pays qui était sauvé, mais les banques occidentales. « Cette pratique apportait l’argent nécessaire pour rembourser les créanciers étrangers, qui n’avaient donc pas à payer le prix de l’erreur qu’ils avaient commise en prêtant[1]. » Il s’agit de l’application du principe de la socialisation des risques du privé. Pour ce qui est d’Allan Greenspan, il faisait référence à l’exubérance irrationnelle[2]. On accourait pour le profit facile et les banques occidentales savaient qu’elles ne couraient pas de risque. En cas de problème, le FMI sauvait sa mise et le peuple se retrouvait avec le fardeau de la dette.
Cette problématique à l’égard de la dette est explicable en raison de trois échecs du marché du risque, lequel est conditionné par les adeptes du néolibéralisme. Premièrement, lorsqu’un pays emprunte en dollars américains ou en euros, ça rend le pays susceptible de subir les foudres de la volatilité des marchés. Une dette peut doubler en quelques semaines si la devise du pays en vient à s’effondrer, comme ce fut le cas pour la Moldavie[3]. En deuxième lieu, les contrats de « prise ferme » de la BM(Banque mondiale) ou du FMI, qui transfère au pays les risques de la baisse de la demande pour un produit ou un service. Un État doit donc acheter tout ce qui n’a pas été vendu par une entreprise étrangère, pour que celle-ci ne subisse pas de pertes. Finalement, le principe des prêts à court terme et du remboursement sur demande ont rendu la vie extrêmement difficile aux pays pauvres. Dès qu’une banque sent que ça va mal, elle exige le remboursement, ce qui rend le pays très vulnérable. Avec la libéralisation des marchés, les capitaux se sont mis à circuler à très grande vitesse. Ce principe additionné aux politiques du Consensus de Washington appliquées par la BM et le FMI ont rendu la vie très difficile dans plusieurs pays pauvres.
[1] Stiglitz, Un autre monde, P.364.
[2] Il a été notamment à la tête de la Banque Fédérale américaine de 1987 à 2006 et donc, un des hommes les plus puissants de l’économie mondiale lors de cette période. Selon lui, on accoure dans un marché par temps d’optimisme et on en repart rapidement quand l’humeur change. Source : Greenspan, Allan. 2007. « Le temps des turbulences», JC Lattès, Paris, 677 pages.
[3] Dans la foulée de la crise russe de 1998, la Moldavie, ancienne république de l’Union Soviétique, a vu sa devise dévaluée de manière importante. En perdant ainsi sa valeur, le remboursement de la dette extérieure, contractée en devises étrangères, est devenu insupportable. À un moment donné, la dette extérieure représentait près de 75% du budget de l’État.