La guerre froide 2.0

Par Michel Bouchard

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et leur expulsion du G8, les relations entre l’Est et l’Ouest sont difficiles. Les récentes frappes d’une coalition internationale, à l’encontre du régime syrien, mêlé à l’affaire de l’ancien espion soviétique Sergei Skripal, viennent carrément de nous propulser dans une dynamique de guerre froide 2.0. D’un côté, une coalition menée par le géant américain, avec ses sujets britanniques et français et de l’autre les Russes, accompagnés des régimes syrien et iranien. Laissez-moi vous faire un petit portrait de la situation et répondre à la question suivante: devons-nous nous inquiéter de l’avenir ?

L’affaire Skripal
C’est l’histoire de cet ancien agent soviétique, maintenant citoyen britannique, qui aurait été empoisonné par le gouvernement russe. Les enquêteurs ont reçu la preuve qu’il s’agissait d’un poison d’origine soviétique qui avait été utilisé. À partir de là, la première ministre, Thérésa May, a ordonné l’expulsion de diplomates russes. Les Français, les Américains et les Allemands ont fait la même chose. En réponse à ces actions diplomatiques, les Russes ont ordonné l’expulsion d’une grande partie des diplomates occidentaux, tout en se défendant d’avoir empoisonné cet ancien officier soviétique et de sa fille. On nage ici en pleine tourmente de la guerre froide. La diplomatie est le canal de saines relations. Ces renvois de diplomates constituent des actes de guerre et laissent présager une escalade potentielle. Il n’y a aucun doute, le torchon brûle entre l’Est et l’Ouest.

Les divergences sur la Syrie

C’est un fait connu, Bachar Al-Assad est un barbare du pire acabit. Après avoir massacré sa population de 2011 à 2014, il eut la bénédiction de voir émerger les rapaces de l’État islamique. Dans ce contexte, la communauté internationale, n’étant pas capable de s’entendre sur les actions à poser contre le régime syrien, a dû se résoudre à concentrer son action contre le groupe terroriste. Depuis, il y a eu un glissement des visions sur les actions à poser sur ce territoire. Surtout depuis, que les Russes ont annoncé la victoire sur l’État islamique. À partir de là, que faire sur la suite des choses ? D’un côté, les Russes sont totalement derrière Bachar Al-Assad en niant la réelle problématique. Un problème accentué par le fait que le dirigeant syrien continue de pilonner son pays et en particulier le territoire de la Ghouta orientale et ce, encore une fois, à l’aide de gaz chimiques. De l’autre, il y a des Occidentaux qui ne savent pas quoi faire…d’où les frappes aériennes de la fin de semaine dernière. Des frappes qui n’ont eu pratiquement aucun impact, si ce n’est que de montrer ses muscles et de provoquer des protestations du côté des Russes. Des protestations donnant dans la rhétorique d’une nouvelle guerre froide, du style: « vous avez violé la souveraineté de la Syrie, ce qui va à l’encontre du droit international et vous devrez en subir les conséquences.»
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En conclusion, le refroidissement des relations Est-Ouest peut sembler quelque peu inquiétant. Poutine tente de recréer ce contexte, pour s’élever au grade d’icône russe des temps modernes. Un affrontement avec les Occidentaux, qui fait de lui un personnage encore plus populaire. Dans les faits, nous ne sommes plus dans les années 1970. Le monde a changé, car il n’est plus bipolaire. Les derniers événements semblent pointer vers une ancienne conception du monde. Une vision manichéenne qui divisait le monde entre les bons et les méchants. La dynamique planétaire n’est plus de cet ordre, car nous vivons dans un monde multipolaire. Toutefois, ce qui m’inquiète, c’est de voir à quel point ce nouvel affrontement sera vecteur de plus grands désaccords au sein du Conseil de sécurité. Ce conseil, outil de règlement des problématiques mondiales, qui est devenu inefficace en raison des divergences de ses membres. Il est grand temps d’une refonte de l’organisation, car en attendant la fin de ces affrontements de vieilles rhétoriques de la guerre froide, ce sont des peuples qui en font les frais…

 

L’histoire se répète et se complique

Par Michel Bouchard

Il y a plusieurs endroits dans le monde où il ne fait pas bon vivre. Le Québec n’en fait sûrement pas partie. Je sais qu’une tempête au mois d’avril, c’est dur pour le moral, mais ça n’arrive pas à la cheville de ce qui se passe en Syrie. Depuis 2011, ce pays est affligé par un conflit d’une violence inouïe. À l’origine, une révolte populaire réprimée par un barbare, le conflit a muté vers un affrontement contre Daech et aux lendemains de la déclaration de victoire sur le mal islamique, rien n’est encore réglé. Le gouvernement syrien continue de s’acharner sur une poche de résistance située dans la région de la Ghouta. Il y aurait eu encore l’utilisation de gaz chimiques, par le gouvernement syrien. Décidément, l’histoire se répète et c’est encore le peuple qui en fait les frais. Donald Trump vient d’annoncer que des frappes étaient éminentes et les Russes ont mis en garde les Américains devant l’éventualité de cette agression. Je vous propose donc la relecture d’un article que j’avais écrit au mois d’avril 2017.

On fait quoi après ?

Les images choquantes du massacre de Khan Cheikhoune, qui nous sont parvenues, ont fait réagir le Président des États-Unis. Hier, les Américains ont décidé de lancer une action militaire en Syrie avec le bombardement d’une base aérienne d’où avait été lancé les armes chimiques. Dans un geste de rhétorique, les Russes ont dénoncé cette agression armée sur un territoire souverain. Je crois que cette action était nécessaire en raison de la paralysie du Conseil de sécurité. Une fois cela dit, ont fait quoi avec la Syrie ? Les Américains ont frappé, ses alliés ont approuvé et la Russie vient d’exprimer son mécontentement. Ça ressemble de plus en plus à la réinstallation d’une dynamique de Guerre froide. Au final, ce seront les Syriens qui feront les frais de cette dynamique. Il y a eu une action hier, mais la situation continue d’être désastreuse dans ce pays. Avant de répondre à ma question, il convient de rappeler certains faits.

  1. Le conflit syrien s’est amorcé en 2011, dans la foulée de ce qu’on a appelé le « Printemps Arabe »;
  2. Ce mouvement de contestation populaire voulait le départ de Bachar Al-Assad qui était en poste depuis 2000. Il avait succédé à son père qui lui était là depuis 1970;
  3. Bachar Al-Assad a durement réprimé cette révolte populaire en allant jusqu’à utiliser des armes chimiques contre sa population en 2011. Juste avant ces événements, Barack Obama avait tracé une ligne rouge que le Président de la Syrie ne devait pas franchir. On connaît la suite!;
  4. Cette révolte est devenue une guerre civile entre le gouvernement et les rebelles anti-Assad.(Il y a plusieurs groupes impliqués);
  5. C’est à partir de 2013 que le groupe armé État islamique est entré en jeu en Syrie. Ils ont profité du chaos pour mettre à exécution le plan d’établir un Califat islamique qui serait situé à cheval sur la Syrie et l’Irak;
  6. En 2015, les Russes sont entrés en action dans le conflit pour tenter de repousser l’État islamique et stabiliser le gouvernement de Bachar Al-Assad;
  7. Afin de condamner ces gestes et prendre des actions concrètes pour aider les Syriens, le Conseil de sécurité n’a jamais été capable de s’entendre. C’est la Russie et son allié chinois qui ont bloqué toutes les tentatives, avec leur droit de Véto;
  8. Le 6 avril 2017, les Américains lancent 59 missiles Tomohawks sur une base aérienne. Cette agression armée est dénoncée par Moscou;

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) le conflit a fait entre 320 000 et 470 000 morts. Il y aurait 11 millions de déplacés ou de réfugiés dans ce pays qui comptait 21,5 millions d’habitants en 2011. Selon l’OSDH, le régime d’Assad serait le principal responsable de ce lourd bilan.(voir lien ci-dessous)

Ce pays est en ruine et un cancer généralisé le ronge. Son dirigeant est le principal responsable des problèmes et il faut aussi composer avec ces barbares islamiques que sont les membres de Daech.(EI) Comment faire pour rebâtir un peu d’espoir dans ce pays ? Que faire après ces frappes américaines ? C’est quoi la prochaine étape ? J’espère qu’on ne vient pas d’entrer dans une dynamique de Guerre froide. J’espère que la dénonciation des Russes est une manœuvre diplomatique de leur part pour ménager leur allié Syrien. Ils peuvent faire preuve de ménagement, mais je ne peux pas croire qu’ils pensent encore qu’Assad est la solution pour remettre ce pays sur les rails. En terminant, je reviens à ma question de départ: On fait quoi maintenant ? J’espère qu’il y a un plan, mais permettez moi d’en douter… Dans ce plan, il y aurait quelqu’un pour assurer la transition, une force politique qui pourrait servir de courroie de transmission pour assurer la suite des choses. La seule force disponible provient de l’extérieur de la Syrie. Ce sont des exilés qui ont fuit leur pays et qui pourraient y revenir pour reconstruire leur pays dévasté. Un peu sur le modèle irakien…Ouais, mais l’Irak c’est un échec monumental. Je sais… On fait juste jaser ! Je suis de nature optimiste, mais pour la Syrie je ne vois rien. Et si Lawrence d’Arabie était parvenu à ses fins ? En serions-nous là ? (Si vous voulez en savoir plus sur ce personnage, tapez :« Lawrence d’Arabie » sur un moteur de recherche populaire.)

Bonne journée!

 

Facebook et notre vie privée

Le scandale déclenché par l’affaire de l’entreprise Cambridge Analytica vient, une fois de plus, remettre en question l’utilisation des médias sociaux comme Facebook. On le savait déjà, mais la vie privée n’existe plus. Il fut un temps que ce concept était violé par des gouvernements paranoïaques. Ceux-ci existent encore, mais nous avons aussi affaire à des gens peu scrupuleux qui sont prêts à tout pour faire de la business. À cet égard, les quantités industrielles d’informations que nous laissons avec ou sans notre consentement sur le Web constituent une véritable mine d’or.

L’affaire « Cambridge Analytica»

L’histoire débute en 2013, lorsqu’une entreprise nommée Cambridge Analytica, cofondée par un certain Steve Bannon*, développa l’expertise pour influencer les résultats de scrutins dans des démocraties.** Pour ce faire, l’entreprise utilisait différentes techniques pour arriver à ses fins, création de scandales, fake news, profilage électoral, etc. C’est dans cet esprit qu’elle a mis sur pied une application pour dresser le profil psychologique des utilisateurs de Facebook. De cette manière, l’entreprise a pu obtenir, avec leur consentement, les réponses de 270 000 utilisateurs de Facebook aux États-Unis. Les concepteurs de l’application avaient inclus un algorithme qui permettait d’avoir accès aux informations de tous les amis des gens qui avaient consenti à remplir le questionnaire. Au total, ce sont les données de près de 87 millions d’utilisateurs qui ont été aspirées et vendues à des gens peu scrupuleux. Des profils psychologiques par millions, qui constituaient une véritable mine d’or pour quiconque voulait influencer les résultats d’un vote.

C’est quoi le problème ?

Lorsque nous naviguons sur le Web et que nous utilisons les médias sociaux, nous laissons une quantité énorme d’informations à notre sujet. En principe, nous le faisons en toute connaissance de causes. En effet, l’internaute est très rapide à cliquer sur « accepter » et « suivant » et donc, donne l’autorisation à des entreprises, comme Facebook d’utiliser nos données.*** C’est une mine incroyable de renseignements qui sont ensuite vendus à des tierces parties. Ça s’appelle faire de la business. Dans ce cadre, les gouvernements ferment les yeux sur ces violations de la vie privée, en échange d’un accès privilégié à ces renseignements, notamment en matière de sécurité. En définitive, nous pouvons pointer du doigt ces entreprises et nos gouvernements, mais qu’en est-il de notre déresponsabilisation en tant que citoyen numérique ?

Quelles seront les conclusions de cette affaire ?

Probablement, que l’entreprise Cambridge Analytica aura de la difficulté à se sortir de cette tempête, mais Facebook, après avoir vu son titre baisser de façon magistrale la semaine dernière, va s’en remettre sans trop de difficultés. Zuckerberg fera son mea culpa devant le Congrès américain et la vie va continuer. Pour ce qui est de l’utilisateur, aura-t-il tiré des leçons ? Je ne pense pas…Nous sommes dans l’ère de l’impatience où tout doit se faire rapidement. Nous allons oublier ce scandale et on n’a aura pas plus le temps de lire les consignes avant de partager notre vie avec des étrangers.

*Il est le cerveau derrière l’élection de Donald Trump et fondateur du site internet Breitbart, qui est un site à tendance d’extrême-droite. Il est à noter que Bannon a été limogé par la Maison Blanche en août 2017 et qu’il était l’invité surprise du congrès de refondation du Front National de Marine Le Pen la fin de semaine dernière.
**L’entreprise aurait joué un rôle lors des dernières élections au Kenya, aux États-Unis et lors du Brexit.
***Je vous propose la lecture de cet article pour alimenter votre réflexion à cet égard. http://www.lapresse.ca/techno/reseaux-sociaux/201804/02/01-5159528-comment-proteger-ses-donnees-personnelles-sur-facebook.php