Socialiser les pertes et privatiser les profits

La nouvelle de la semaine dernière sur la vente de la société en commandite, CSeries, m’a fait réfléchir sur un sujet que j’évoque chaque année avec mes étudiants. Nous vivons dans une société où il est rendu commun de socialiser les pertes et de privatiser les profits. Nous demandons, aux gouvernements, de subventionner et de participer à l’effort des entreprises, afin de leur permettre de rester concurrentielle et pour sauver des emplois. L’économie étant la religion de l’État, tout se justifie par la création ou le maintien d’emplois et la croissance économique. Avons-nous déjà réalisé combien nous coûtent toutes ces participations étatiques. Des participations qui restent au demeurant plus ou moins payantes pour le contribuable. Dans ce contexte, parlons de Bombardier et de baseball.

Bombardier
C’était il y a deux ans, le gouvernement du Québec volait à la rescousse de Bombardier qui était à la recherche d’un partenaire pour pouvoir continuer l’aventure de la CSeries. Une série d’avions construite pour entrer dans le marché des petits porteurs, soit environ de 110 à 135 places. Dans ce domaine, la concurrence est vive et devant l’incapacité de Bombardier à continuer l’aventure, le gouvernement du Québec a pris la décision farfelue de devenir partenaire d’une nouvelle entité de Bombardier: CSeries. C’est en allongeant la modique somme de 1,3 milliard de dollars que le gouvernement est devenu propriétaire de cette nouvelle entreprise à la hauteur de 49%*. Cette participation a chuté à 38%, lors que Bombardier a réinjecté de l’argent dans l’aventure, l’an dernier. Étant aux prises avec d’importantes difficultés financières, Bombardier a décidé de frapper à nouveau à la porte d’Airbus**. Surtout dans le nouveau contexte où le gouvernement américain a pris la décision d’imposer des droits compensateurs de 220 % sur la vente d’avions de la série C vers des acheteurs américains. N’ayant pas le gros bout du bâton la compagnie canadienne a dû accepter les conditions du constructeur français. Une participation majoritaire dans l’aventure (50,01%), pour la modique somme de 0$ ou de 0 euro. On parle ici d’un « deal » incroyable pour Airbus et d’une perte monumentale pour le gouvernement du Québec, qui a vu sa participation dans l’entreprise passer à 19%. Bombardier n’avait pas le choix d’aller chercher un partenaire pour assurer la survie de ces avions, mais j’ai comme l’impression qu’on vient de se faire entuber comme le disent les Français.

Baseball
Lorsque j’ai vu le Maire de Montréal, Denis Coderre, se jouer après les bricoles de satisfaction, en réaction aux propos du commissaire du baseball majeur sur l’expansion possible de la MLB à Montréal et Portland, je me suis dit: « Pas encore ». Pour l’amateur de baseball que je suis, cette nouvelle peut paraître intéressante. Toutefois, il ne faut jamais oublier que l’aventure pourrait nous coûter cher. Hé oui, les amis, les propriétaires de baseball ne construisent pas les stades, car ils n’en ont pas les moyens. C’est aux autorités publiques de faire un effort pour attirer ces multimillionnaires du sport. Rappelons, que le salaire moyen baseball majeur, se situait aux alentours de 4 millions de dollars en 2016. Construisons des stades et des arénas et ce sont les propriétaires qui engrangeront des profits tirés à même les poches des amateurs. Soit dit en passant, l’injection de fonds publics n’est pas la garantie d’obtenir une équipe. À cet égard, M.Coderre devrait discuter avec son bon ami Régis, histoire de freiner son enthousiasme.

En conclusion, je ne suis pas contre les interventions de l’État. Pour qu’une économie soit en santé et que les richesses soient bien réparties, il faut nécessairement une autorité qui veille au grain. On ne peut pas se fier uniquement sur le marché et le bon vouloir des gens pour que tout se fasse naturellement. Ce qui me dérange le plus, ce sont les interventions aveugles d’un gouvernement qui ne se soucie pas vraiment des bénéfices pour la société. Avec Bombardier, on voulait protéger un fleuron de notre industrie, mais pas n’importe lequel prix! On veut du hockey à Québec et du baseball à Montréal, est-ce vraiment à nous, contribuables, de payer pour tout ça ? Cessons de socialiser uniquement les pertes, il faudrait aussi socialiser les profits. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, lorsque nous avançons ces millions publics, ils ne sont pas toujours utilisés à bon escient. À cet égard, je ne serais pas surpris de voir les hauts dirigeants de Bombardier recevoir de généreux bonis dans leur bas de Noël.

*Il faut bien comprendre que lorsque l’on est minoritaire dans une entreprise, on n’a rien à dire sur la gestion de celle-ci.
**Avant de demander au gouvernement d’intervenir, Bombardier avait demandé à ces deux concurrents, Boeing et Airbus, d’injecter des capitaux.

L’abdication est la solution

Lors d’un cours que j’ai donné il y a quelques semaines, je parlais des différentes questions que l’on doit se poser avant de faire un achat. En ai-je les moyens et en ai-je de besoin ? Deux questions fort pertinentes. C’est à ce moment que j’ai tenté d’amener les étudiants dans un questionnement beaucoup plus philosophique : celui de réfléchir à notre responsabilité de consommateur. Est-ce que mon achat est respectueux de l’environnement, de nos producteurs locaux et du droit des travailleurs étrangers. Vous savez, lorsque nous achetons un produit fabriqué par des esclaves*, nous sommes complices de ce système. À ce moment, un élève a levé la main et m’a dit : « Ça ne donne rien de ne pas acheter ce produit, ça ne va rien changer ». J’ai été obligé de lui donner raison, mais j’ai tout de même insisté sur le pouvoir des actions collectives. Cette remarque m’a fait réfléchir, car ce jeune homme illustrait un problème de notre société : l’individualisme. Lorsque la situation semble périlleuse et exige une réponse collective, nous choisissons trop souvent la fuite, histoire de s’épargner des inconforts et ce, peu importe les conséquences pour les autres.**

L’environnement est un sujet vraiment très riche pour me fournir un argumentaire, car dans ce domaine, les idéaux sont grands. Nous avons le devoir de respecter la planète, mais que faisons-nous réellement ? La semaine dernière, la compagnie Transcanada a décidé d’abandonner son projet Énergie-est. Le Québec tout entier s’est réjouit de cette nouvelle. N’échappent pas à cette euphorie, j’ai moi-même célébré dans ma chaumière. C’est en entendant les récriminations du Premier ministre de l’Alberta, à l’encontre du Québec, que ma réflexion a évolué sur le sujet. D’entrée de jeu, il faut se le dire : le Québec a besoin de pétrole. En faisant ce constat, on peut se demander de qui on l’achète ? La réponse : de l’Arabie-Saoudite et du Vénézuela. Si vous voulez mon avis, on ne parle pas vraiment de pétrole vert ici et en prime, il vient de deux pays douteux au niveau du respect des droits humains. Je vous rappelle que l’Arabie-Saoudite est ce pays qui autorisera les femmes à conduire une voiture en 2018. Il serait légitime de se demander de quelle manière elles arriveront à faire leur angle mort ? Ici, je m’égare, mais c’était plus fort que moi… Donc, où m’en vais-je avec tout ça ?

Nous vivons dans une société égocentrique et hypocrite. Nous prêchons la vertu, mais la réalité est tout autre. Nos agissements ont des conséquences sur le monde en général, mais nous ne changeons pas nos habitudes de vie. J’étais contre Énergie-est, mais je continue à conduire la même voiture qui s’abreuve à même les réserves d’une monarchie archaïque qui brime les droits d’au moins la moitié de ses habitants. Évidemment, il est confortable de ne rien faire et de ne rien changer. Les conséquences de nos comportements n’auront pas vraiment d’impacts sur nos vies. On ne peut pas en dire autant pour nos enfants. Pourquoi ne pas faire un réel virage vert ? Un virage électrique, si vous voyiez ce que je veux dire. Une transition qui serait orchestrée par un gouvernement ayant une vision soucieuse de la collectivité. À cet égard, nous aurions l’obligation de se libérer des énergies fossiles. Question d’équité avec nos enfants. Malheureusement, il n’en est pas ainsi pour l’instant. Notre confort nous étouffe dans les GES. Dans ce contexte, je comprends les frustrations de l’Alberta et SVP, gardons-nous une petite gêne pour critiquer le retrait des Américains de l’entente de Paris. Comme eux, nous avons abdiqué nos responsabilités envers les générations futures et il ne faut jamais oublier que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

P.S. J’aurais pu développer mon argumentaire avec bien d’autres sujets. Notre consommation excessive, notre manque d’engagement politique, notre détachement à l’égard de l’évasion fiscale, etc.

*Je caricature un peu ici, mais pas tant que ça.
**Les autres habitants de la Terre ou les autres de la génération suivante.

La non-déclaration de l’indépendance*

Pourront-ils faire leur indépendance ? La question est intéressante, mais la réponse est assez simple. Non. La Catalogne vient de faire une non-déclaration de son indépendance. L’opposition internationale à cette déclaration est unanime. Le régime catalan n’avait même pas la bénédiction d’un seul état pour tenir son référendum. Une fois le résultat connu, les sbires du statu quo ne viendront sûrement pas faciliter la tâche d’une gang de séparatistes. Après tout, certains seraient prêts à les chasser! Toujours est-il que je vous propose de faire un petit tour du monde, histoire de voir ce qu’il se dit au sujet des événements des dernières semaines en Catalogne.

Emmanuel Macron
Président de la France

« Emmanuel Macron a apporté lundi son soutien au gouvernement espagnol de Mariano Rajoy en déclarant «son attachement à l’unité constitutionnelle de l’Espagne», a indiqué l’Elysée, au lendemain d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne marqué par des violences policières. Au passage, le Président n’a pas discuté des violences policières commises sous les ordres du gouvernement de Mariano Rajoy.»

Que voulez-vous, lorsque la démocratie est menacée, il faut l’imposer:-)

http://www.liberation.fr/france/2017/10/02/catalogne-macron-soutient-rajoy_1600365

Felipe VI
Roi d’espagne

« Dans une charge aussi rare que cinglante, Felipe VI a accusé les dirigeants catalans de s’être placés « en marge du droit et de la démocratie » en organisant le référendum de dimanche. « Avec leur conduite irresponsable, ils peuvent même mettre en danger la stabilité économique et sociale de la Catalogne et de toute l’Espagne »
Il est toujours intéressant de voir un souverain s’exprimer sur la démocratie…

http://www.lepoint.fr/europe/catalogne-la-reponse-cinglante-du-roi-d-espagne-03-10-2017-2161829_2626.php

Justin Trudeau
Premier Ministre du Canada

« En conférence de presse à Ottawa, mardi, le premier ministre Trudeau avait refusé de commenter les événements qui se jouent en Catalogne. Il s’était dit « convaincu » de l’importance du droit des peuples à l’autodétermination, mais il avait du même souffle refusé de critiquer Madrid(…) les autres pays ne devraient pas se mêler de questions identitaires ou de souveraineté.»

Je doute de la sincérité de ce Premier Ministre, lorsqu’il mentionne qu’il est convaincu de l’importance du droit de peuples à l’autodétermination.  Vous connaissez la chanson de Philippe Katerine «Bla-Bla-Bla» ?

http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1057270/canada-quebec-justin-trudeau-philippe-couillard-espagne-catalogne-referendum-independance

Donald Trump

Président des États-Unis
«Je pense que l’Espagne est un grand pays et qu’elle devrait rester unie.»
Concrètement, le Président se contrefiche de cette nouvelle et ne sait probablement pas où est située la Catalogne.

http://www.rtl.fr/actu/international/referendum-en-catalogne-trump-espagne-7790243142

Angela Merkel

Chancellière de l’Allemagne

« La chancelière Angela Merkel est contre l’indépendance de la Catalogne et a fait savoir qu’elle soutenait le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy.»

Le pays le plus influent de la zone Euro ne pouvait pas soutenir une autre position que celle-ci. D’autant plus que le Brexit bat son plein.

https://www.ouest-france.fr/europe/espagne/catalogne/espagne-angela-merkel-contre-l-independance-de-la-catalogne-5301464

Luis Guindos
Ministre espagnol de l’économie

« Ce n’est pas une question d’indépendance ou pas d’indépendance. C’est une question de rébellion contre l’Etat de droit et l’Etat de droit est la base non seulement du vivre-ensemble en Espagne mais aussi du vivre-ensemble en Europe ».

L’État espagnol tente de réduire ce processus d’indépendance à une simple rébellion, où ses auteurs seront traduit en justice après les faits.

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/10/10/97002-20171010FILWWW00175-catalogne-l-ue-soutient-madrid-selon-le-ministre-de-l-economie.php

En conclusion, cette histoire ne peut pas bien se terminer. Les Catalans n’auront plus jamais confiance à l’Espagne et la Catalogne n’obtiendra jamais la reconnaissance d’un seul État. Pire, la région y perdra probablement une grande partie de son autonomie. Le principe de l’autodétermination des peuples est bel et bien révolu. Si vous n’êtes pas convaincu de cette affirmation, vous irez lire sur la réponse du gouvernement irakien au sujet de la victoire des indépendantistes au Kurdistan irakien.

*Expression qui m’a été inspirée par une chanson de Georges Brassens. (La non-demande en mariage) En fait le Président catalan, Carles Puigdemont, a déclaré l’indépendance et l’a suspendue aussitôt, histoire d’en venir à une solution négociée avec l’Espagne.