L’empêcheur de tourner en rond

 

L’autre jour j’écoutais une entrevue de Paul Magnette qui parlait des déconvenues de la mondialisation et des injustices qu’elle a créées. Pour la petite histoire, M. Magnette est le Ministre-Président de la région de la Wallonie en Belgique. C’est lui qui a poussé les dirigeants canadiens et européens à refaire leurs devoirs concernant le traité de libre-échange entre le Canada et l’UE.(AECG) Bien que le traité a été signé, les différents acteurs sont encore en train de travailler pour rendre ce traité acceptable pour les gens comme Magnette. Son opposition relève, entre autre du principe qui permet aux multinationales de poursuivre un gouvernement pour perte de profits. De plus, il soulève d’intéressantes questions concernant le bien-fondé du libre-échange, notamment au niveau de l’agriculture.

Une petite région, d’environ 3,5 millions d’habitants, a bien failli faire dérailler cet important traité d’une valeur estimée à 3000 milliards de dollars et regroupant près de 600 millions d’habitants. C’est la Wallonie, région belge, qui a mis du sable dans l’engrenage. Rappelons nous, que Justin Trudeau s’était rendu en Europe pour la signature officielle et qu’il avait dû revenir bredouille. Ce qui chicotait les Wallons, c’était le principe qui permettait à une multinationale de poursuivre un État pour perte de profits. À titre d’exemple, le cigarettier Philip Morris, selon ce principe, avait pu poursuivre l’Australie et l’Uruguay parce que ces pays avaient adopté une loi pour légiférer sur la présentation des paquets de cigarettes. Cette législation causait un préjudice à l’entreprise et lui faisait, selon elle, perdre de l’argent. En somme, cette disposition d’un traité de libre-échange, autorise une multinationale à demander des compensations à un État. Lorsque l’on continue dans cette logique, une multinationale peut poursuivre un État pour différents motifs jugés préjudiciables, dont des lois sur les normes du travail ou sur l’environnement. Ce mécanisme de l’AECG est actuellement à l’étude et on a promis à la Wallonie de le retirer de l’entente, mais ce n’est pas encore fait. Il y a eu la signature du traité, mais il reste encore la ratification. Vous pouvez être assurés que la Belgique ne pourra pas ratifier l’entente si cette clause n’est pas retirée, parole de Paul Magnette.

En plus d’avoir failli fait dérailler l’AECG, Magnette est un critique de la mondialisation et du libre-échange. Il soulève une intéressante question, sur la libéralisation des échanges de produits agricoles. À cet égard, il se demande : « Pourquoi libéraliser les produits agricoles entre deux pays qui sont capables de s’auto-suffire ? » Nous vendons notre fromage en Europe et les Européens font de même. À mon sens, il s’agit d’un illogisme économique qui ne tient aucunement compte des conséquences sur l’environnement. Comme le mentionnait un de mes éminents collègues, par rapport à la mondialisation : « On est tu obligé de manger de la papaye douze mois par année ? » Les bateaux se rencontrent en Atlantique et causent des préjudices irréparables à notre planète. De plus, ces ententes fragilisent les petites exploitations agricoles et la souveraineté alimentaire des pays. Tout ceci au profit de grands groupes d’investissement en fonds terriens et qui se spécialisent dans la spéculation.*

Le message de Magnette me rejoint particulièrement, parce qu’il rencontre exactement le point de vue de l’ancien prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz.** Selon Stiglitz, la mondialisation, dont la libéralisation des échanges, a été une bonne chose pour l’humanité. Il y a eu une croissance fabuleuse de l’économie et elle a amené la prospérité sur toutes les continents de la planète. Le problème de cette mondialisation, c’est qu’elle n’a pas profité à tout le monde. Elle a seulement accentué les inégalités, parce qu’elle a été pensée par les riches et pour les riches. Il est maintenant le temps de la remettre en question et de travailler, comme Magnette, et Stiglitz à la rendre plus équitable. Par contre, c’est emmerdant pour ceux qui savent ce qui est bon pour nous…

*Procédé utilisé par des gens qui se disent des créateurs de richesses pour faire augmenter artificiellement la valeur d’une possession. Je vais écrire un texte là-dessus la semaine prochaine.
**J’ai d’ailleurs fait mon essai de maîtrise sur cette question et vous pouvez le consulter à l’adresse suivante: https://sites.google.com/site/lemondedestiglitz/

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